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Maïwenn
9 mai 2017

A Bangkok on ne mange plus dans la rue

Je crois que je vous l'avais dit, ces derniers mois, les stands de nourriture ont été chassés des rues de Bangkok. Je voudrais vous signaler un article de Pravit Rojanaphruck du journal Khao Sod, qui met en relation deux choses qui me sont chères, la démocratie et la gastronomie populaire.

L'article est ici, en anglais. Comme je me doute que certains ne pourront pas le lire, je l'ai traduit. Il n'est pas très bien écrit à mon avis, mais le propos est clair. Ca fait plusieurs fois que je lis des articles de ce journaliste, et je trouve qu'il y a du cran de critiquer la junte de façon aussi nette, dans un pays où la liberté d'expression est loin d'être un acquis...

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L'interdiction de la nourriture de rue : un assaut banal sur le mode de vie.

 

L'ironie du débat sur l'interdiction de la nourriture de rue à Bangkok a été que ça a incité des étrangers – surtout des médias occidentaux – à signaler à quel point la nourriture de rue était unique et dynamique ici avant que le régime militaire fasse légèrement marche arrière.

 

En réponse aux articles des médias étrangers au sujet du toilettage (lire : interdiction) de la nourriture de rue dans la capitale thaïe, le régime a rapidement rassuré les touristes en leur disant que les stands seraient toujours présents à certains endroits très touristiques, comme Yaowarat (Chinatown) ou Khaosan road.

 

Néanmoins, peu de choses ont été dites sur la nourriture de rue et ce que ça signifie pour les Thaïs vivant et travaillant à Bangkok. C'est comme si le gouvernement ne se préoccupait que de l'argent des touristes.

 

Maintenant que beaucoup de rues de Bangkok sont vides de stands, des centaines de milliers de travailleurs qui en dépendent se ruent sur les supérettes omniprésentes pour savourer des plateaux repas surgelés. On voit clairement qui va en profiter, que ce soit pour le goût, l'aspect nutritionnel ou l'argent. Beaucoup sont comme des chats nourris inlassablement de nourriture toute prête ou pré-cuite.

 

La junte a utilisé le prétexte de l'hygiène et de l'ordre pour ce nettoyage. Depuis, de nombreuses rues de Bangkok, comme Lat Phrao ressemble à des rues désertes ou des villes fantômes la nuit, maintenant que de nombreux vendeurs ont été déplacés. On a simplement dit aux commerçants, pour la plupart de condition modeste, de disparaître, ou on leur a proposé des sites si difficiles d'accès que le résultat est le même.

 

Que ce soit intentionnel ou non, les conséquences sur le dynamisme de Bangkok sont palpables. C'est comme si nous étions atomisés, nos relations humaines réduites, prêts pour une régime militaire aussi long qu'un marathon, plus long que ce que la junte promet sans cesse au sujet de sa longévité.

 

Contrairement au personnel des supérettes comme 7-Eleven et FamilyMart – possessions d'immenses conglomérats thaïs – qui vous demandent si vous voulez acheter des raviolis chinois ou autre en vous remerciant machinalement à la caisse, les contacts humains sont imprévisibles quand on discute avec les vendeurs des rues.

 

Je ne peux pas m'empêcher de penser que le chef de la junte, le Général Prayuth Chan-Ocha, veut nous atomiser encore plus, casser le lien social, pour que ce soit plus facile pour lui de régner d'une main de fer avec son sermon télévisé du vendredi, de la propagande qui aurait impressionné Fidel Castro.

 

Et si vous trouvez cette interdiction illogique, et même contre-productive pour Bangkok, alors rappelez-vous que la dictature implique le contrôle. Le contrôle totalitaire parfait est un contrôle auquel on obéit sans réfléchir à deux fois – en fait, sans réfléchir du tout. Avec un contrôle dictatorial les gens sont blasés et obéissent sans se poser de questions. Plus le décret dictatorial est banal, meilleur il est.

 

Peu importe que l'interdiction de la nourriture de rue à Bangkok soit mal conçue, à la fin la victime est le mode de vie et le dynamisme de la ville.

 

Pour un Bangkokien, la dernière décision en date de la junte est consternante. La nuit, des lieux animés sont devenus étrangement calmes et vides. Au revoir la nourriture de minuit qu'on pouvait trouver partout.

 

Les Bangkokiens pauvres et ceux qui cherchent du travail dans la capitale ne peuvent pas se payer le restaurant, par conséquent ils se retrouvent dans les supérettes, enrichissant les propriétaires, qui sont déjà pleins aux as. Dans quelle situation difficile se retrouveront des millions de gens pour le reste de leur vie professionnelle ? N'est-il pas possible de trouver un compromis et d'assurer l'hygiène et l'ordre sans détruire les stands ?

 

Je suis sûr que c'est possible s'il y a une volonté et la reconnaissance de l'immense valeur culinaire et culturelle de la nourriture de rue – et pas seulement pour les touristes.

 

Tout ce qu'on peut espérer maintenant, c'est une renaissance des stands dans un futur lointain.

 

Réintégrons les stands dans Bangkok quand nous aurons retrouvé la démocratie, et laissons les soldats de la junte se gaver de tous les plateaux repas surgelés des supérettes dans des camps militaires une fois qu'on les aura forcés à regagner leurs baraques !

 

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Maïwenn
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